les belles affaires des greffes des tribunaux de commerce

Publié le par TMS

 L'AVIS DE LA COUR DES COMPTES cité par Montebourg

Lors de sa réunion en date du 10 février 1998, la commission a auditionné M. Christian Descheemaeker, conseiller-maître à la Cour des comptes en charge du secteur de la justice.

« M. Christian DESCHEEMAEKER : Ce qu'il est possible de dire sur les greffes de tribunal de commerce, c'est d'abord qu'il s'agit d'entreprises qui sont actuellement extrêmement rentables ; ensuite que les greffiers sont des personnages contrastés : je veux dire par là qu'on trouve un certain nombre de greffiers qui ont l'esprit de service public, parfois même à un degré assez développé et qui sont fiers de vous dire qu'ils appartiennent à la troisième génération de greffier...

M. le Président : C'est cela l'esprit de service public ?

M. Christian DESCHEEMAEKER : Ce n'est pas suffisant mais j'ai vraiment rencontré des greffiers qui croyaient à ce qu'ils faisaient et qui étaient très fiers d'appartenir, avec un statut particulier, au service public de la justice.A contrario, j'en ai vu d'autres qui avaient une vision un peu différente de leur métier, mais cela peut s'expliquer par le fait que lorsque l'on a hérité de sa charge, on a moins de préoccupations financières que lorsque l'on doit l'amortir sur quelques années. Or, certains greffiers sont visiblement très préoccupés d'amortir le coût d'achat de la charge qui représente une somme non négligeable.

M. le Président : On peut faire la même remarque pour les pharmaciens

et les notaires.

M. le Rapporteur : Eux sont soumis à la concurrence...

M. Christian DESCHEEMAEKER : (...) J'ajouterai un mot concernant le barème. Tous les actes des greffiers sont rémunérés selon un barème ; c'est donc une justice payante.Le barème qui remonte à 1980, un peu modifié en 1986, est maintenant complètement désuet, puisqu'il est antérieur à l'informatisation, pour l'essentiel, ce qui signifie que l'écart entre le tarif d'un acte et celui d'un autre n'est plus justifié aujourd'hui. Je prends un exemple : certaines formalités demandaient autrefois à un employé du greffe de sortir des registres d'un format assez étonnant, de les ouvrir, de pointer et de noter des chiffres, de prendre un autre registre et de répéter ces gestes plusieurs fois d'affilée, ce qui demandait de nombreuses manipulations et prenait donc un certain temps ; aujourd'hui, avec l'informatique, il suffit d'appuyer sur un bouton pour ressortir tous les éléments qui figurent parfois dans cinq ou six fichiers différents. La réponse est instantanée.

M. le Président : Et elle est payée comme autrefois ?

M. Christian DESCHEEMAEKER : Elle est payée comme autrefois !Quand je dis que le barème est désuet, je le dis dans les deux sens : un jugement sera payé au même prix unitaire quel que soit le nombre de pages. Le barème auquel personne n'ose vraiment toucher est donc, je crois, assez éloigné maintenant des coûts unitaires des innombrables actes, puisqu'il y a plus d'une centaine d'actes qui sont répertoriés.À côté de l'informatique utilisée dans le fonctionnement interne du tribunal, y compris la micro-informatique et le traitement de texte pour les jugements, il y a la télématique qui concerne essentiellement le registre du commerce. Suite à l'informatisation, les greffiers des tribunaux de commerce ont constitué trois serveurs Minitel dont le plus connu est Infogreffe, les deux autres étant Greftel et Intergreffe.Ces serveurs sont considérés comme extrêmement performants, puisque leur mise à jour se fait dans les vingt-quatre heures, de sorte que, par la télématique, on a accès à des informations du registre du commerce très rapidement. Ces serveurs constituent une source de revenus considérables pour les gros tribunaux de commerce !Les revenus sont fonction du nombre d'heures de connexion et, évidemment, si ces connexions dans certains petits tribunaux de commerce de Normandie - c'est là que se trouvent les plus petits - ne représentent que quelques heures par an, en revanche, celles des plus gros tribunaux peuvent engendrer des recettes télématiques qui frisent les 15 millions de francs par an. Il s'agit donc de recettes considérables !

M. le Président : C'est une recette pour le greffier ?

M. Christian DESCHEEMAEKER : Absolument ! Elle va intégralement au greffier. (...)

M. le Président : Vous avez parlé d'abus ?

M. Christian DESCHEEMAEKER : Des abus ou, pour le moins, des dérives ont effectivement eu lieu, puisqu'une confusion a été entretenue pendant un certain temps entre le greffier officier ministériel et le serveur. C'est-à-dire que l'on téléphone à un tribunal de commerce et que l'on commence par avoir un répondeur qui demande de se brancher sur le Minitel, ce qui est peut-être aller un peu loin !Des abus, il y en a également eu dans la mesure où certains serveurs se sont mis à faire de l'analyse financière en retraitant les comptes des sociétés qui étaient obligatoirement déposés au registre du commerce. Faire de l'analyse financière sur un bilan, certains diront que c'est de la valeur ajoutée, mais cela peut aussi être assez contestable...

M. le Président : N'est-ce pas une violation de la confidentialité ?

M. Christian DESCHEEMAEKER : Cela peut être en tout cas une présentation subjective, puisque certains serveurs se sont mis à offrir à certains clients la possibilité de s'abonner à la mise sous surveillance d'une société ; c'est aller un peu loin par rapport à la transmission d'une information brute qui, elle, est normale et qui laisse à chacun le soin de juger de l'état de santé de la société
concernée.Par ailleurs, certains serveurs achètent à l'étranger de l'information sur des sociétés étrangères qui, par définition, ne déposent pas leurs comptes au registre du commerce français, pour pouvoir la fournir à leurs correspondants et, par là même, se sont mis à faire des actes de commerce dans la mesure où ils achètent de l'information économique pour la revendre. Dans ce cas, se posait la question délicate de savoir si un officier ministériel pouvait faire acte de commerce et la réponse, a priori, est non ! (...) Je vous ai précisé que dans certains cas, le chiffre d'affaires télématique pouvait atteindre 15 millions de francs ; c'est le cas de l'un des gros tribunaux de banlieue qui est cependant plus petit que celui de Paris.

M. le Président : Cela prouve qu'il y a des ressources pour faire fonctionner l'institution et la moderniser !

M. Christian DESCHEEMAEKER : En ce qui concerne la rentabilité des charges, on a atteint des résultats sur chiffre d'affaires qui oscillent, dans les greffes que nous avons contrôlés, entre 38 % et 72 %. »

Les résultats financiers du greffe du tribunal de commerce de paris exemple donné par Montebourg
   

Produits télématiques 89 940 536
   

55 %
   

Produits greffe 73 587 712
   

45 %
   

Chiffre d'affaires total 163 528 248
   

Résultat net 39 189 904


avec un tel résultat net, le greffier du tribunal de commerce de Paris a une belle affaire : 39 189 904 de résultat net
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