des affaires

Publié le par TMS

Selon un relevé fourni par la Chancellerie entre 1986 et janvier 1998, 15 mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises ont fait l'objet de sanctions disciplinaires allant de l'avertissement à la radiation. Le chiffre était de 29 pour les administrateurs judiciaires touchés par des sanctions disciplinaires. Selon un deuxième relevé, daté de mars 1998, près d'une quarantaine d'auxiliaires de justice faisaient l'objet d'informations judiciaires pour des faits allant de l'abus de confiance, en passant par l'usage de fausses factures, l'escroquerie aggravée, les malversations, la corruption passive au vol et au trafic d'influence. Ces chiffres doivent être rapportés au nombre total de professionnels inscrits, soit moins de 500 personnes.

Il faut ajouter que ces listes sous-estiment le nombre d'AJMJ mis en cause dans des affaires. Ainsi, M. Joël Rochard, ancien membre de la commission nationale d'inscription et de discipline des administrateurs judiciaires relevait, lors de son audition par la commission, les faits suivants : « Les listes (...) fournies par la Chancellerie circulent à travers Paris. Une personne m'en a remis copie. Je les ai examinées ; elles sont notoirement incomplètes et confuses. » 

·  À tout seigneur tout honneur : Nanterre

Nanterre est l'un des plus importants tribunaux de commerce de France.

Par l'ampleur des malversations, par la somme des fonds engloutis ou détournés, par la répercussion qu'elle a eue sur la profession qui a dû solidairement payer le « trou » causé par d'indélicats collègues, l'affaire Sauvan-Goulletquer, du nom de deux administrateurs judiciaires associés de Nanterre, mérite d'être citée en premier.

Des poursuites pénales sont en cours pour malversations, abus de confiance aggravé, et fonds confiés aux administrateurs détournés à l'étranger (plus de 216 millions de francs). Il convient de noter que l'affaire a révélé, qu'en l'échange de dépôts provenant des trésoreries des entreprises redressées, auprès de certaines banques, dont la SDBO, filiale du Crédit Lyonnais, les auxiliaires de justice en cause bénéficiaient notamment de prêts personnels à des taux compris entre 0 % et 3 %.

Une radiation a été prononcée le 9 juin 1997 à l'encontre de Me Goulletquer par la commission nationale d'inscription siégeant en chambre disciplinaire, tandis que Me Olivier Sauvan a été suspendu provisoirement par décision du 23 juin 1997. Ces deux administrateurs font par ailleurs l'objet d'une information judiciaire ouverte sur les chefs d'abus de confiance aggravé, de prise illégale d'intérêts et de malversation.

Une autre affaire a ébranlé l'univers consulaire de Nanterre. Un administrateur a été condamné par un arrêt du 13 mars 1998 de la cour d'appel de Versailles à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et interdiction des droits civiques civils et de famille pour 3 ans pour escroquerie.

Un autre administrateur judiciaire à Nanterre fait l'objet d'une information judiciaire ouverte sur les chefs d'escroquerie aggravée et complicité.

M. Pierre Lyon-Caen, avocat général à la cour de cassation qui a été procureur de la République à Nanterre jusqu'en 1994 a indiqué à la commission qu'il avait eu connaissance qu'à plusieurs reprises des juges-consulaires du tribunal de Nanterre ne s'étaient pas spontanément déportés dans des affaires qu'il jugeait alors qu'ils étaient créanciers à titre personnel ou bien qu'ils avaient eu des problèmes avec une des parties en cause.

Ce même procureur fait état d'une initiative du président du tribunal de commerce de l'époque qui avait donné instruction par écrit au mandataire de ce tribunal d'avoir recours pour expertiser la qualité des assurances à un expert... qui n'était autre que le fils de ce même président du tribunal de commerce.

M. Pierre Lyon-Caen fait enfin état de l'habitude qu'avait ce tribunal de commerce de refuser de désigner certains mandataires au profit d'autres notoirement surchargés.

« Cette affaire me paraît très révélatrice d'une réalité. Par la nature même des choses, les administrateurs qui sont des professionnels compétents, des permanents non seulement parce que c'est leur profession à titre principal, exclusif, mais aussi parce qu'ils l'exercent toute leur vie professionnelle, ont une position dominante par rapport à des juges consulaires. Ces derniers ne le sont qu'à titre accessoire d'une profession principale, pour une durée déterminée de cinq ou dix ans, en tout cas pas toute leur vie. Dans ces conditions, ils ont besoin des administrateurs, ce qui ne leur permet pas, sauf exception, de jouer pleinement comme il serait naturel qu'ils le jouent, leur rôle de mandants surveillant, contrôlant, imposant aux mandataires ce qui doit être. »

·  Bobigny : les déboires d'un nouveau tribunal

Bobigny est le dernier des tribunaux de commerce créé dans la région parisienne. C'est l'un des plus importants de France.

En juillet et septembre 1991, un administrateur judiciaire désigné depuis peu dans un dossier propose la cession à bas prix de l'entreprise à deux repreneurs.

Une partie de l'actif est acheté par un homme d'affaires. Une clause de substitution est prévue. Elle va jouer un mois plus tard... en faveur d'un des juges-consulaires qui a siégé dans l'affaire.

Une autre partie de l'actif de la société est cédé pour un prix faible à une autre entreprise dont ce même juge qui a siégé dans l'affaire est l'un des dirigeants. Dans les deux cas l'opération n'a pu se réaliser sans de nombreux complices dans le tribunal. Mais le parquet n'a rien vu. Il n'interviendra... qu'à la suite d'une dénonciation anonyme.

Le 12 mars 1996, le juge mis en cause, l'administrateur et le président du tribunal sont condamnés à deux ans de prison avec sursis. L'administrateur est en outre condamné à trois ans de privation de ses droits civiques, civils et familiaux et à 300 000 francs d'amende. Le 24 septembre 1997, les sanctions sont confirmées par la Cour d'appel de Versailles. Trois pourvois en cassation sont en cours. Le pourvoi formé par l'administrateur est fondé sur le fait que le plan de cession n'a pas donné lieu à une vente directement au profit du juge du tribunal de commerce mais à un intermédiaire et à une société (dans laquelle il avait des intérêts).

Il convient de noter que l'administrateur qui a été l'un des acteurs principaux de cette désastreuse affaire a fait l'objet d'une demande de suspension provisoire qui a été rejetée, le 4 novembre 1996, par la commission nationale d'inscription et de discipline des administrateurs judiciaires, le pourvoi en cassation étant suspensif.

M. Maurice Lafortune, avocat général à la Cour de cassation, ancien commissaire du Gouvernement auprès de la commission nationale d'inscription et de discipline des administrateurs judiciaires, lors de son audition par la commission, a fourni des éléments supplémentaires sur le fonctionnement du tribunal de Bobigny.

« M. Maurice LAFORTUNE : Le cas de Bobigny est exemplaire et illustre parfaitement mes propos initiaux. Sur la connivence, la complaisance, la collusion. Avant ses déboires, l'administrateur était un bon professionnel. Substitut général à Paris, j'ai suivi des procédures dans lesquelles on le retrouvait alors qu'il était en société avec un autre administrateur judiciaire dont le siège était à Versailles et qui, avant les faits, avait ressenti le besoin de sortir de cette association. Lorsqu'il a rencontré ses difficultés, je l'ai invité à venir me voir selon l'usage. Il m'a expliqué ce qu'on lui avait demandé. Le président lui a dit :"Ne vous en faites pas, je m'entendrai avec le procureur. Vous pouvez y aller." Je lui ai indiqué qu'il avait commis une erreur et lui ai conseillé de prendre un bon avocat, parce qu'il allait être mis en examen et qu'il aurait à répondre devant la justice pénale de ses actes. Une fois mis en examen, il m'est revenu que, sur la place parisienne, on avançait qu'il ne lui arriverait rien, qu'il était franc-maçon, qu'il avait l'appui de la profession et qu'il se chargerait de faire nommer Lafortune à la Cour de cassation !

M. le Président : Mes compliments !

M. Maurice LAFORTUNE : Cela ne m'a pas impressionné, et j'ai réagi, en accord avec la Chancellerie, en précisant que les propos rapportés étaient inadmissibles et qu'il y avait matière à saisir la commission de discipline en vue d'apprécier une éventuelle suspension, non pour le condamner, mais pour appliquer une jurisprudence de la cour d'appel de Riom - me semble-t-il - qui définit les motifs d'une suspension provisoire en faisant un départ net entre une condamnation et une position qui lui permet de se défendre.

J'ai saisi la commission - vous en retrouverez trace - pour demander la suspension en précisant que j'attendais la qualification juridique des faits au pénal pour engager une action disciplinaire. La commission ne m'a pas suivi.

M. le Président : Pour quelles raisons ?

M. Maurice LAFORTUNE : Je n'ai pas assisté au délibéré, mais la corporation était contre la suspension. »

Ainsi un administrateur judiciaire mis en examen pour des faits très graves qui ont entraîné la condamnation d'autres personnes qui ont été impliquées dans l'affaire, peut continuer à exercer des mandats dans le cadre de la justice consulaire.

Il faut souligner ici que d'après les déclarations de l'actuel procureur de Bobigny, malgré cette affaire très inquiétante - en ce qu'elle fait apparaître un véritable réseau - aucune investigation générale n'a été déclenchée sur le fonctionnement de ce tribunal... L'excuse invoquée est l'absence de moyens.

 Toulon : des « assistantes sociales » qui gagnent 1,5 million de francs par an

La société Gallet, leader européen du casque de sécurité, fournisseur de la police, des pompiers, rachète en 1991 la société GPA International. Elle semble découvrir que des éléments lui ont été cachés par le dirigeant de GPA, le représentant des créanciers, nommé par la suite commissaire à l'exécution du plan, Me Mireille Massiani, mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises à Toulon, avec l'approbation du tribunal de commerce de Draguignan qui ne pouvait ignorer les faits. Le dirigeant de GPA a été condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et 300 000 francs d'amende pour abus de confiance et escroqueries, tandis que le mandataire de justice a été relaxé.

Lorsqu'elle s'est déplacée à Toulon, le 12 mai 1998, la commission a auditionné les mandataires de justice du ressort, et notamment Me Mireille Massiani qui décrivait ainsi le métier de mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises : « Dans ces dossiers, on reçoit le débiteur ; on fait des recherches ; on fait des rapports au parquet ; on réalise l'actif ; on va à la recherche de l'actif ; on vérifie le passif ; on répond à tous les créanciers, plutôt deux fois qu'une car ils ne comprennent jamais rien ; on fait des clôtures ; on reçoit à plusieurs reprises les débiteurs. Il faut savoir que, personnellement, depuis 10  ans, j'ai plutôt l'impression d'être assistante sociale que mandataire de justice» Dans la suite de l'audition, elle indique qu'elle a personnellement « 1,5 million de francs de revenus ».

Il convient de relever que Toulon abrite un autre mandataire qui fait l'objet d'une information judiciaire ouverte sur des chefs d'escroquerie, de faux et usages de faux, pour des faits commis dans le cadre du redressement judiciaire de plusieurs sociétés.

Ces affaires interviennent alors même que l'ancien président du tribunal de commerce de la ville a été contraint de démissionner, après sa mise en cause dans la gestion de l'association des magistrats et anciens magistrats consulaires de Toulon.


 

http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/tribunaux-de-commerce/rap1p2-3.asp

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article